Allocution de S. E. M. l’Ambassadeur Juan Manuel Gómez Robledo

aux autorités françaises et au Corps diplomatique à l'occasion de la fin de sa mission en France.

Paris, le 16 juin 2021

 

 

Monsieur le Président du Conseil Constitutionnel,  Monsieur le Premier Ministre,

Monsieur le Sénateur, Président de la Commission des Affaires Etrangères, de la Défense et des Forces Armées du Sénat,

Mesdames les Ambassadrices, Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Très chers amis,

 

Elena et moi sommes très heureux de vous voir tous réunis ici aujourd'hui. 

 

Mon mandat d’ambassadeur du Mexique en France et auprès de la Principauté de Monaco touche à sa fin. Dans quelques semaines, je quitterai ce pays merveilleux, cette ville magnifique, cette demeure d’exception sublimée par les toiles d’Ángel Zárraga qui retracent la relation entre la France et le Mexique et, plus largement, la Fraternité universelle.

 

Les mots ne suffiront jamais pour vous dire à quel point ce fut un insigne honneur de représenter les intérêts de mon pays en France, un pays avec lequel nous partageons des valeurs profondes, une amitié faite d´admiration mutuelle, éprouvée aussi par des moments de mésentente, raffermie par la réconciliation, renforcée par une coopération inépuisable  dans tous les domaines qui touchent à l'accomplissement des aspirations de nos sociétés.

 

Nous, Mexicains, avons forgé notre identité à travers l'exemple de l'épopée libératrice qu´incarnent toujours les conquêtes de l'Homme et du citoyen de 1789 à nos jours.  Je veux ici reprendre les mots du grand diplomate et écrivain que fut Alfonso Reyes, Ambassadeur du Mexique en France entre 1924 et 1927 : «Le grand esprit de la France a éduqué la pensée des républiques américaines naissantes, les guidant dans leurs premiers pas sur la voie démocratique (…) La France éternelle a contribué à la formation de notre être national, en enrichissant avantageusement la tradition hispanique (…) »      

 

Tout comme alors, la France d´aujourd'hui persévère dans la construction de nouvelles solidarités qui ne sauraient être durables si elles ne sont pas ancrées dans un édifice institutionnel.  La cathédrale de la République ce sont bien les institutions bâties avec un alliage savant de génie et de détermination. Le Président de la République rappelait, il y a quelques semaines, à l'occasion du bicentenaire de la mort de l'Empereur, reprenant les paroles de Napoléon, que « les vraies conquêtes, les seules qui ne donnent aucun regret, sont celles que l'on fait sur l'ignorance. »   Et vous, chères Françaises et Français, nous en fournissez des preuves tous les jours.       

 

Nous, Mexicains, aspirons à opérer, sur vos pas, de profonds changements c’est-à-dire « bannir l’impunité au Mexique et faire de la lutte pour l’égalité et la justice une réalité », écrivit le Président Andrés Manuel López Obrador dans une lettre récente adressée au Président Emmanuel Macron.

 

En effet, la fascination réciproque qui existe entre la France et le Mexique a alimenté une relation intense et féconde dans les arts, les lettres et les sciences humaines, mais également une coopération croissante dans tous les domaines des sciences expérimentales. 

 

L’amitié franco-mexicaine a été mise à l’honneur à maintes reprises au cours de ma mission. Je pense notamment aux grandes expositions et manifestations culturelles consacrées à l’art mexicain au Grand Palais, au Musée du quai Branly, au Musée des Beaux-Arts de Lyon, au Palais de Tokyo ou encore dans les foires internationales Art Paris, Paris Photo, le marché de la poésie, et les grands festivals, à l’instar de Lille3000 qui a mis la culture mexicaine sur le devant de la scène pendant sept mois, puis Cannes, qui a nommé le réalisateur Alejandro González Iñárritu Président du Jury de sa 72e édition et inscrit régulièrement des films mexicains dans sa sélection officielle.

 

Forts de cette fascination qui se renouvelle toujours, ce qui nous unit, par-dessus tout, ce sont les valeurs de la démocratie, de l'égalité des chances et la défense d’une gouvernance du monde fondée sur le multilatéralisme et la promotion du droit international, en vue d´un commerce international équitable, du développement durable et du respect des droits de l’Homme.  Nous avons œuvré à vos côtés pour restaurer la négociation multilatérale sur le climat, à Cancún d´abord, en 2010, et à Paris, en 2015, clé de voûte des Accords qui articulent nos efforts nationaux et collectifs pour sauver la Maison commune, comme l'a si bien dit le Pape François.    

 

Solidaires, nous l’avons été également. La France s’est tenue aux côtés du Mexique lors des tremblements de terre de 2017, œuvrant à la restauration de plusieurs monuments historiques. Pour sa part, le Mexique s’est associé à la France pour pleurer les victimes des attentats de 2015 et ceux qui suivirent, parmi lesquelles des Mexicains également, et renouveler notre engagement dans la lutte contre le fléau du terrorisme, particulièrement par le biais de notre coopération au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies.

 

Nous avons également conscience de la dette immense que nous avons vis-à-vis des femmes, dont les droits ne sont pas encore pleinement réalisés et sont trop souvent encore, effroyablement bafoués.  C’est la raison pour laquelle, la France et le Mexique, avec les Nations Unies,  avons convoqué le Forum Génération Egalité qui se tiendra à Paris, dans quelques jours, pour assumer de nouveaux engagements avec la communauté internationale dans son ensemble, mais aussi en partenariat avec les entreprises et la société civile.    

 

Chers amis,

 

La joie et la gratitude d’avoir eu l'immense privilège de servir mon pays en France,  l’emportent amplement sur la tristesse que je ressens de devoir vous faire mes adieux. 

 

Les souvenirs de ces presque six années, intenses, passionnantes, emplies de surprises et de rencontres, ne nous quitteront plus.  Pas plus que la langue française, à laquelle Elena et moi restons indéfectiblement attachés.  

 

« Une langue qui meurt, c'est une vision du monde qui disparaît » confie le linguiste Louis-Jean Calvet. Les langues prennent racine, se transforment. Elles sont le reflet de l’évolution du monde et un formidable vecteur de transmission d’une vision du monde. J’y crois profondément.

 

Lors de l'hommage universel à Charles Aznavour, le Président de la République proclama, avec force, que la langue française est « un  Etat dans l'Etat, une patrie dans la patrie, un sanctuaire plus sacré que tout (…) » Et de poursuivre par ces mots émouvants: « Certains héros chez nous deviennent Français par le sang versé mais on devient aussi Français par la langue parlée, par la langue aimée, travaillée, ouvragée, célébrée... Cette langue est le viatique que l'école offre à chacun et dont chacun peut saisir les tours et les détours, les nuances et les nervures, les couleurs et les accents (...) ».

 

Oui, la langue habille notre imaginaire et forge nos réflexions. Elle n'est pas seulement le ciment d'une nation mais un ferment de liberté, d'espoir lorsqu'elle ose sa plénitude, c'est-à-dire lorsqu'elle est la langue des poètes, des écrivains, des artistes, des philosophes.

 

Le Mexique, qui se définit comme une nation multilingue et pluriculturelle, reconnaît la grande valeur de la langue française, de ses puissants réseaux d’alliances françaises et d’établissements français à l’étranger et bien entendu de l’Organisation Internationale de la Francophonie. Mon pays a tiré parti de sa place en tant que membre observateur de cette organisation pour élargir et diversifier ses liens internationaux et nourrir un sentiment d’appartenance à notre patrimoine commun.

 

Nous avons construit des liens fondés sur nos aspirations partagées. Nous avons cimenté une culture commune qui, aujourd'hui, nous réunit.

Alors que le Mexique commémore cette année plusieurs anniversaires importants, les 700 ans de la fondation de Mexico-Tenochtitlan, les 500 ans de la conquête espagnole, et le bicentenaire de son Indépendance, je tiens à saluer l’implication des autorités françaises qui se joindront aux célébrations officielles à travers le prêt de biens culturels, le défilé de la Légion étrangère à Mexico ou encore les nombreuses manifestations culturelles françaises programmées dans l’Etat de Querétaro. Nous avons à cœur de renforcer l'idée du pouvoir de la culture, en tant qu'instrument moteur d'inclusion et de transformation sociale, d'intégration des cultures autochtones non seulement au modèle de développement du pays, mais également au dialogue avec le monde et, surtout, au travail de récupération de la mémoire historique. 

 

 

Chers amis,

 

Je ne saurais conclure sans vous dire notre infinie reconnaissance pour l’exceptionnel accueil que vous nous avez réservé et pour le précieux concours que vous m’avez apporté pour accomplir ma mission au service de l’amitié franco-mexicaine.

 

Ma gratitude va également à ma chère épouse, dont le soutien ne m’a jamais fait défaut.

 

Mes dernières paroles seront celles du poète mexicain, Manuel Gutiérrez Nájera, qui ne cacha jamais son amour de la France et que je reprends à mon compte :

 

« La France, La France, l’urne transparente

dans laquelle l’esprit de l’Homme s’agite ;

Comme un écho qui répond au cri de la douleur,

Immense est son cœur éternel où palpite l’univers. »

 

 

Vive la France ! Vive le Mexique ! Vive l’amitié franco-mexicaine !